Quand les hormones changent le sexe

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Quand les hormones changent le sexe

Avant d'envisager une chirurgie de réassignation de genre, les hommes qui veulent devenir femmes et les femmes qui veulent devenir hommes doivent d'abord suivre un traitement hormonal... à vie.

Certaines personnes ont la conviction que la nature s'est trompée à leur sujet. Alors qu'elles sont nées avec les attributs d'un sexe, elles se sentent appartenir au sexe opposé. Ğ C 'est ce que l'on appelle la dysphorie de genre ğ, explique le Dr Vinciane Corman, endocrinologue à Saint-Luc et responsable de la consultation pour les patients transgenres. Ğ Longtemps tabou, cet état a été médiatisé et est socialement (un peu) mieux accepté aujourd'hui. Ces dernières années, les demandes pour les traitements de réassignation de genre ont d'ailleurs beaucoup augmenté. ğ

Des personnes en souffrance
Depuis son arrivée à Saint Luc, alors qu'elle n'y consulte qu'un jour par semaine, le Dr Corman suit plus d'une centaine de patients : quelques adolescents, des adultes de 20-35 ans et des patients de 50-60 ans. Ğ Ces derniers ont vécu leur vie en étant mal dans leur peau. Certains ont souffert de dépression. Changer de sexe n'est presque pas un choix pour eux ; c'est une nécessité ! ğ
D'ailleurs, les études montrent que les tentatives de suicide, qui peuvent être fréquentes chez ces personnes en souffrance(*), diminuent dès qu'elles sont prises en charge pour un changement de sexe.

Une question (fondamentale) d'hormones
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, les chirurgies de réassignation et/ou esthétiques ne sont que l'aboutissement du processus - et encore ! Tous les patients n'y recourent pas ! Tout doit commencer par un traitement hormonal. Ğ Ce sont les hormones sexuelles féminines ou masculines qui confèrent les principaux aspects physiques de l'orientation sexuelle ğ, rappelle le Dr Corman. Ğ En administrant des antiandrogènes, des oestrogènes et parfois de la progestérone à un homme, sa pilosité, sa masse musculaire, ses érections et le volume des testicules vont progressivement diminuer ; sa peau va s'affiner; les seins vont "pousser" et les émotions se féminiser. Des injections de testostérone à une femme auront des effets inverses: augmentation de la pilosité et de la masse musculaire, voix plus grave, diminution du volume de la poitrine, perte de cheveux et, bien sûr, arrêt des menstruations.ğ

Des risques augmentés
Ces traitements ne sont pas dénués d'effets secondaires à moyen et long termes. Ils peuvent modifier la glycémie - accroissant ainsi le risque de diabète - et augmenter les taux de cholestérol, ce qui fait le lit des maladies cardiovasculaires. De plus, les hormones sexuelles jouent un rôle de protection contre certaines pathologies ou, au contraire, les favorisent :
  1. les traitements féminins (pour un homme qui veut devenir femme) entraînent un risque accru de cancer du sein ou de la prostate, surtout en cas d'antécédents familiaux;
  2. les traitements masculins (pour une femme qui veut devenir homme) augmentent le risque de cancer du sein ou de l'utérus. Les os, par diminution des oestrogènes, deviennent aussi plus fragiles, favorisant l'ostéoporose. Le taux de globules rouges doit aussi être surveillé pour prévenir thrombose et embolie.

Un suivi à vie
Raisons pour lesquelles les traitements hormonaux nécessitent un suivi médical régulier, à vie, chez un endocrinologue. Il faut d'ailleurs son aval et celui d'un psychologue pour pouvoir les entamer ; idem pour la chirurgie. Ğ C'est un parcours difficile, tant au niveau médical que psychologique ğ, prévient le Dr Corman. Ğ Mais l'amélioration de la qualité de vie est telle que, pour la grande majorité de ces patients, ce parcours ardu en vaut la peine ! ğ

(*) Certaines études font état d'un risque de suicide 19 fois plus élevé que dans la population générale...

Bon à savoir

Le sexe, féminin ou masculin, signifie l'identité biologique, celle qui est déterminée par nos chromosomes et nos organes génitaux. Le genre se rapporte à l'identité psychologique: on se sent homme ou femme. Ou les deux. Ou ni l'un ni l'autre...

Transexuel, transgenre, travesti..., Quelles différences ?

o Le ou la transsexuel(le) s'estime appartenir à l'autre sexe sur les plans psychique, social et culturel.
o Le ou la transgenre appartient à une catégorie intermédiaire, provisoire (avant le changement de sexe complet) ou permanente, avec parfois le sentiment d'être autant homme que femme ou aucun des deux.
o L'intersexe ou l'hermaphrodite présente des anomalies chromosomiques, ce qui se traduit par des attributs physiques des deux sexes.
o Le ou la travesti(e) éprouve le besoin de porter les vêtements de l'autre sexe, plus ou moins fréquemment et plus ou moins durablement.

Article extrait du Saint-Luc Magazine n°42 (septembre 2017)

Avant d'envisager une chirurgie de réassignation de genre, les hommes qui veulent devenir femmes et les femmes qui veulent devenir hommes doivent d'abord suivre un traitement hormonal... à vie.