Le cordon ombilical, un lien à ne pas couper trop vite
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Dans une salle d’accouchement, chaque seconde compte. Et pour les bébés prématurés, ces premières secondes peuvent changer toute une vie. Depuis cinq ans, les services de soins intensifs néonataux et d’obstétrique de Saint-Luc utilisent une table de réanimation à cordon intact - le Lifestart™ - permettant d’apporter des soins immédiats aux nouveau-nés tout en maintenant le lien vital avec leur maman pendant les premières minutes cruciales de leur vie.
Traditionnellement, dès qu’un bébé prématuré naît, son cordon ombilical est coupé presque immédiatement pour permettre une prise en charge médicale rapide, notamment respiratoire. Mais cette coupure précoce prive l’enfant d’une transfusion naturelle de sang riche en oxygène et en fer, essentielle pour bien démarrer dans la vie.
Outre les bébés nés prématurés, les nouveau-nés porteurs de malformations congénitales pulmonaires (hernie diaphragmatique…), lymphatiques (épanchement pleural…) ou ORL (syndrome de Pierre Robin…) bénéficient également pleinement de cette technique. Celle-ci leur permet une meilleure stabilisation durant les premières heures de vie, particulièrement importantes pour leur pronostic.
Avec la table Lifestart™, une table de réanimation mobile placée près de la maman, les équipes médicales peuvent administrer les premiers soins tout en maintenant le cordon intact pendant plusieurs minutes : plus besoin de choisir entre respiration et transfusion naturelle. Et ce, tant pour un accouchement par voie basse que lors d’une césarienne. Résultat ? Une meilleure oxygénation, un risque réduit d’anémie, et une transition plus progressive vers la respiration autonome. Autant de raisons de ne pas couper trop tôt ce lien entre bébé et placenta. « Pendant au moins trois minutes, le cordon reste intact, donnant au bébé un peu plus de temps pour initier doucement sa respiration et s’adapter à sa nouvelle vie hors de l’utérus », constate le Dr Aurianne Van Grambezen, obstétricienne.
Un premier contact plus humain

Au-delà des bénéfices médicaux, cette nouvelle approche préserve l’unité familiale. Là où, auparavant, les parents étaient séparés de leur bébé dans les toutes premières minutes, les soins se font désormais sous leurs yeux, en leur présence. Une sage-femme les accompagne, explique chaque geste, rassure et guide. Une fois le cordon clampé, le bébé est installé près de sa maman pour un premier contact peau à peau, dès que son état le permet. Un moment fort, souvent chargé d’émotion, qui marque le début d’un lien précieux. Mettre en place cette nouvelle pratique n’a pas été simple. « C’est le fruit d’un travail d’équipe méticuleux, entre obstétriciens, néonatologues, infirmiers et sages-femmes », précise le Dr Catheline Hocq, néonatologue. « Chaque détail a été pensé : des protocoles adaptés aux accouchements par voie basse et par césarienne, des formations théoriques et des séances de simulation, jusqu’à l’agencement spécifique du matériel sur la table ». Catheline Hocq et Aurianne Van Grambezen se sont d’ailleurs rendues au Liverpool Women’s Hospital pour s’inspirer des pionniers de la technique. De retour en Belgique, elles ont adapté cette méthode à leurs réalités, en tenant compte des contraintes structurelles et organisationnelles propres à l’hôpital.
Ce qu’en disent les soignants
Les retours des équipes médicales sont positifs : la technique est fiable, sécurisée, et elle renforce la communication avec les parents. « Beaucoup de soignants évoquent un sentiment de cohésion renforcé, se réjouit Catheline Hocq. Voir les deux parents unis autour de leur bébé, informés en temps réel, permet de créer un lien émotionnel fort dès les premières minutes de vie ».
Bien sûr, des défis subsistent : certains soignants se disent un peu moins à l’aise lors de césarienne ou en cas de réanimations plus complexes. « Mais avec la pratique et les formations, ces difficultés tendent à diminuer. »
Ce que vivent les parents
On pourrait penser que voir son bébé être réanimé serait un moment traumatisant. Et pourtant… « La grande majorité des parents témoignent de ressentis très positifs. Ils se sentent impliqués, rassurés, et surtout, présents, renchérit Aurianne Van Grambezen. Comme le dit ce papa, déjà père d’un enfant né prématuré quelques années plus tôt : “Cette fois, on ne m’a pas volé les premières minutes de vie de mon bébé”. »
L’innovation ici ne réside pas seulement dans la technologie, mais dans la philosophie de soin. La réanimation à cordon intact remet le bébé et ses parents au centre de la prise en charge. Elle transforme une situation souvent vécue comme stressante en un moment de lien, d’humanité et de confiance. Aujourd’hui, cette pratique est bien installée à Saint-Luc. Et si elle demande une coordination fine et un engagement de tous les acteurs, ses bénéfices humains et médicaux parlent d’eux-mêmes.