1,3 milliards de chinois... et un chirurgien belge !

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1,3 milliards de chinois... et un chirurgien belge !

Spécialisé en laryngologie, phoniatrie et troubles de la déglutition au Service ORL, le Pr Gauthier Desuter est récemment parti en Chine afin de populariser une technique de thyroplastie jamais pratiquée dans le pays jusqu'alors. Il nous parle de cette expérience.

Pr Desuter, qu'est-ce qu'une thyroplastie ?
Gauthier Desuter (G.D.) : La thyroplastie consiste à poser un implant sur le larynx lorsque celui-ci est partiellement paralysé. Cette pathologie engendre des troubles de la voix ainsi que des problèmes de déglutition. Le symptôme principal est une voix faible et étouffée, source d'un épuisement important pour le patient : cela est comparable à une chambre à air que l'on essaierait de gonfler alors qu'il y a un trou dedans. Le but de la thyroplastie est donc d'améliorer la qualité et la clarté de la voix du patient, et de diminuer cet épuisement.

Comment survient cette pathologie ?
GD : Ce genre de défaut survient suite à une anomalie ou une lésion du nerf récurrent, qui est le nerf qui va énerver le larynx. La majorité des cas se produisent à la suite d'une opération chirurgicale ; les cas restants sont liés à des traumatismes autres ou restent sans explication claire.

Comment se déroule l'opération ?
GD : Ce type de chirurgie, assez délicate, a la particularité de s'effectuer sous sédation : le patient est tout à fait éveillé car il est nécessaire de tester sa voix durant l'intervention. On effectue une incision sur le cou afin de pouvoir travailler sur le larynx. Ensuite, on calcule l'endroit où l'on va clipper l'implant au niveau du cartilage du larynx. Pendant l'intervention, on effectue un contrôle avec un mesureur pour tester les différentes tonalités de la voix. Une fois que la voix atteint un niveau de production de qualité, l'implant est fixé. L'effet est très rapide : le patient recouvre une voix normale environ deux semaines après l'opération. Toutefois, les caractéristiques de la voix ne changent généralement pas, la principale modification étant l'intensité de la voix du patient.
Il faut savoir qu'initialement, l'opération s'effectuait avec du cartilage, mais depuis quelques années nous avons opté pour un implant synthétique ayant l'avantage d'être une technique plus stable et pérenne. Celui que nous utilisons se nomme implant de Montgomery, du nom du chirurgien américain qui l'a développé.

D'où vient l'intérêt des hôpitaux chinois pour ce type de chirurgie ?
GD : Tout d'abord, de part sa démographie particulièrement importante, la Chine comporte une bien plus grande quantité de personnes touchées par cette pathologie. Par ailleurs, de nombreuses chirurgies thyroïdiennes se soldent par des dégâts sur les nerfs récurrents ; cette technique représente donc un grand intérêt. La Chine a une tradition de ré-innervation du larynx qui permet un meilleur tonus de la corde vocale mais très rarement un retour à une mobilité normale. En revanche, la thyroplastie avec implant n'est pas pratiquée là-bas.
Notre centre a recourt à ce type de chirurgie depuis 2001. Considérées comme une référence européenne pour ce type d'implant, les Cliniques universitaires Saint-Luc figurent parmi les centres belges qui réalisent le plus d'interventions de ce genre. C'est la raison pour laquelle j'ai été invité à me rendre dans trois hôpitaux chinois : l'hôpital militaire n°2 de Shanghai, l'hôpital universitaire de Fuzhou et l'hôpital de l'université Tongren de Pekin (Beijing). Ce fut l'occasion de montrer aux équipes chinoises comment réaliser ce type d'intervention et de donner plusieurs conférences sur le sujet. Il s'agissait d'une première chinoise, d'où l'intérêt de la presse générale chinoise.

Que retiendrez-vous de cette expérience ?
GD : Outre pour l'aspect médical, l'expérience était très enrichissante d'un point de vue culturel. Il y a bien sûr la barrière de la langue, les différences de fonctionnement des hôpitaux... Il existe pas mal de différences en termes d'équipements et d'outils. J'espère que cette première expérience permettra d'établir une collaboration pérenne avec la Chine dans ce domaine.

Propos recueillis par Caroline Bleus, service de communication des Cliniques universitaires Saint-Luc, et Maxime Kouhail (stagiaire)

Spécialisé en laryngologie, phoniatrie et troubles de la déglutition au Service ORL,
le Pr Gauthier Desuter est récemment parti en Chine afin de populariser
une technique de thyroplastie jamais pratiquée dans le pays jusqu'alors.
Il nous parle de cette expérience.