Dépister les maladies rares, aux premières heures de la vie
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Dans le cadre d’une maladie rare, démarrer un traitement rapidement peut faire la différence pour le patient et ses proches. Pour ce faire, il convient de dépister et identifier la maladie aussi vite que possible. Intégré au Service de biochimie médicale, le Centre de dépistage néonatal de Saint-Luc détecte une vingtaine de maladies rares chez les nouveau-nés. Chaque année, près de 20.000 échantillons sont analysés. Visite de ce véritable avant-poste de la lutte contre les maladies rares.
Rendez-vous dans la tour des laboratoires des Cliniques Saint-Luc et plus précisément sur le plateau de biochimie analytique du Service de biochimie médicale. Plusieurs techniciens sont justement en train de réaliser des tests sur d’étranges petits confettis imbibés de sang, à la recherche de potentielles maladies rares. « Notre centre de dépistage néonatal figure parmi les trois centres agréés par la Fédération Wallonie-Bruxelles et ce, pour la détection d’une vingtaine de maladies rares », explique le Dr Joseph Dewulf, médecin biologiste responsable de la structure. Une maladie est dite « rare » lorsqu’elle touche moins d’une personne sur 2.000. En Belgique, elles concernent 6 à 8% de la population. « Le dépistage néonatal permet de détecter certaines de ces affections, invisibles à la naissance, qui risquent d’avoir des conséquences graves chez les enfants si elles ne sont pas prises en charge rapidement. » Grâce aux tests, les nouveau-nés atteints de ces maladies peuvent être directement soignés par un régime alimentaire approprié, des médicaments ou un suivi médical dédié, avant que les symptômes n’apparaissent et éviter ainsi l’apparition de dommages irréversibles.
Analyser des… confettis !
Concrètement, comment se déroule le dépistage ? Pour mieux comprendre, direction la Maternité, quelques étages plus haut, dans la tour d’hospitalisation de Saint-Luc. Julie, un bébé né deux jours plus tôt, est prise en charge par un pédiatre, sous le regard protecteur et légèrement inquiet de ses parents. Quelques gouttes de sang prélevées sur le talon sont recueillies sur une carte de papier buvard, appelée aussi « carte de Guthrie ». « Ce prélèvement concerne chaque enfant, dans toutes les maternités, précise Joseph Dewulf. L’échantillon est ensuite acheminé jusqu’aux centres agréés de dépistage néonatal. »
À partir des taches de sang séché sur la carte de Guthrie, les techniciens de laboratoire utilisent au minimum 8 confettis de sang pour la réalisation de 8 tests différents par carte. On relève 3 méthodologies d’analyse: la spectrométrie de masse en tandem, les tests semi-automatisés (immunologie, colorimétrie, fluorimétrie) et un test de biologie moléculaire à partir de l’ADN extrait. Depuis le mois de juillet 2024, les centres dépistent 23 maladies. « 22 d’entre elles sont d’origine génétique comme la plupart des maladies rares. L’hyperthyroïdie congénitale constituant l’exception. » Parmi les pathologies dépistées, citons comme exemple des maladies endocriniennes ou métaboliques, la mucoviscidose, l’amyotrophie spinale ou encore les syndromes drépanocytaires. Toutes ces pathologies doivent répondre à certains critères. « La maladie est grave; une prise en charge susceptible d’améliorer le pronostic existe; enfin, un test fiable et disponible garantit un dépistage à large échelle », énumère Joseph Dewulf.
En cas de dépistage positif
Du transport du prélèvement à la réalisation du test à proprement parler, chaque étape du processus a été optimisée afin de gagner le plus de temps possible dans le cas où l’une des maladies serait détectée. Les techniciens du centre font face à deux situations. « Soit il n’y a aucun doute : le résultat s’avère particulièrement pathologique ou la fiabilité du test est telle qu’on ne rencontre quasiment jamais de faux positif. » C’est le cas de l’amyotrophie spinale ou des syndromes drépanocytaires. Et la deuxième situation ? « Les analyses détectent des anomalies mais un deuxième test sur la carte de dépistage sera nécessaire pour confirmer le résultat. » Si le résultat s’avère malheureusement confirmé, le centre de dépistage prend contact avec le pédiatre de la maternité d’où provient l’échantillon. Ce spécialiste verra l’enfant en consultation ou le référera directement vers un centre de référence en maladies rares approprié (Saint-Luc dispose de son propre Institut des Maladies Rares, NLDR). Une confirmation du diagnostic à partir d’un nouveau prélèvement auprès de l’enfant sera également nécessaire.
L’IA, pour réduire les faux positifs
Le phénomène des faux positifs constitue une problématique importante dans le cadre des dépistages. Pour certains tests, les marqueurs biologiques analysés restent élevés suite à des situations particulières, par exemple dans le cadre d’une prématurité. « Ces faux positifs génèrent une source de stress non négligeable pour les parents et nous mettons tout en œuvre pour les limiter au maximum. » À l’instar d’autres domaines scientifiques et médicaux, l’intelligence artificielle pourrait jouer un rôle pour réduire cette problématique mais également pour viser une sensibilité de détection proche de 100%. « Certains algorithmes permettraient en effet de comparer les données obtenues avec d’anciens cas confirmés ou négatifs afin de déterminer s’il est opportun de référer le patient », se réjouit Joseph Dewulf.