Prédire Alzheimer grâce à l’imagerie amyloïde ?
Véritable problème de société, la maladie d’Alzheimer voit son incidence augmenter avec le vieillissement de la population. Si de nouveaux traitements font leur apparition, le diagnostic reste complexe, en particulier à cause de l’absence de symptômes au moment de la phase préclinique de la maladie, période actuellement considérée comme cruciale pour débuter les thérapies préventives. L’analyse du déclin fonctionnel en lien avec les changements observés à l’imagerie dans le cerveau pourrait jouer un rôle important dans cette problématique. La Clinique de la mémoire des Cliniques Saint-Luc vient de réaliser une étude à ce sujet.
En lien avec le vieillissement de la population, la pathologie d’Alzheimer voit son incidence augmenter, tout comme son impact sur la société et les soins de santé. Cette maladie se caractérise par un déclin fonctionnel, c’est-à-dire une diminution progressive des capacités à réaliser des activités quotidiennes, qu’elles soient complexes (gérer ses finances, faire des courses, conduire sa voiture, etc.) ou basiques (se laver, manger, s’habiller, etc.). À terme, le déclin fonctionnel se traduit par une véritable perte d’autonomie, en raison d’une décompensation cérébrale progressive.
On sait actuellement que la maladie débute par une accumulation anormale des protéines, dont notamment la protéine amyloïde, dans le cerveau plusieurs années avant l’apparition des symptômes, définissant une phase préclinique. En recherche, cette phase est considérée comme la période optimale pour tester des traitements médicamenteux dirigés contre les causes de la maladie. Néanmoins, l’identification des personnes qui bénéficieront le plus de ces traitements reste complexe. Par ailleurs, mesurer le déclin fonctionnel au stade préclinique n’est pas facile car, à ce stade, les personnes ne présentent pas de difficulté au quotidien. Cette mesure va donc nécessiter donc des outils sensibles, qui aujourd’hui sont encore largement indéterminés.
Afin d’améliorer l’identification des candidats pour les essais médicamenteux, l’une des pistes pourrait être l’analyse du déclin fonctionnel en lien avec la mesure des dépôts d’amyloïde dans le cerveau dès la phase préclinique. C’est ce qu’a investigué la « Clinique de la mémoire » du Service de neurologie des Cliniques universitaires Saint-Luc dans une étude réalisée en s’appuyant sur une large base de données constituée par le consortium européen AMYPAD (Amyloid imaging to prevent Alzheimer’s Disease) dont elle fait partie.
Mesurer le déclin fonctionnel de 850 patients
Le déclin fonctionnel peut se mesurer via des questionnaires spécifiques (A-IADL-Q et CDR-SOB) destinés aux patients et/ou leur entourage, en consultation neuropsychologique ou à distance. Les dépôts de protéine amyloïde dans le cerveau se mesurent quant à eux au moyen d’un examen d’imagerie cérébrale (PET-amyloïde).
Dans l’étude réalisée par la Clinique de la mémoire, les chercheurs ont analysé des données de ce type. Des mesures de déclin fonctionnel étaient disponibles chez près de 850 personnes âgées de plus de 50 ans, à différents moments dans le temps sur une période moyenne d’environ 3 ans. À la base, ces personnes ne présentaient aucun symptôme spécifique. L’objectif principal était de prédire le déclin fonctionnel, mesuré via différents questionnaires, sur base de la quantité initiale d’amyloïde dans le cerveau. Les participants ont donc été répartis en trois groupes en fonction de leur charge amyloïde de départ (calculée par le premier PET-amyloïde) : négatif (65%), intermédiaire (25%), positif (10%).
Résultats et perspectives
Résultats ? Les personnes évoluent différemment en fonction de la charge amyloïde de départ. Le risque de déclin fonctionnel est deux à trois fois plus élevé chez les personnes du groupe amyloïde positif (près de 10% d’entre elles présentent un déclin) en comparaison avec les groupes négatif et intermédiaire. Toutefois, l’analyse du questionnaire le plus utilisé (CDR) démontre que le déclin n’est significatif au quotidien que pour un faible pourcentage de ces participants (2% des cas). Ce chiffre rassurant doit être nuancé par la courte durée de la période de suivi : sur une échelle de 5 à 10 ans, le pourcentage de personnes présentant un déclin fonctionnel significatif serait certainement plus important.
L’étude a aussi mis en évidence qu’un type de questionnaire (A-IADL-Q) apparait plus sensible et adapté pour monitorer le déclin fonctionnel à travers le temps. La sensibilité du questionnaire est primordiale pour mesurer efficacement le déclin chez des personnes ne présentant aucune difficulté au départ et in fine pouvoir démontrer qu’un traitement puisse inverser ce déclin.
En conclusion, cette recherche offre des perspectives en matière de diagnostic précoce des patients, d’identification plus précise de candidats éligibles pour des essais cliniques de nouveaux traitements au moment de la phase préclinique de la maladie, et pour la mesure des effets de ces nouveaux traitements.