Comité d'Ethique - Missions
Missions et objets de la commission d'éthique bio-médicale hospitalo-facultaire de l'UCL - Note 1 du 18 avril 2003
"Un comité (d’éthique) n’est pas là pour dire la norme, pas pour autoriser ou interdire . Il est là pour proposer des axes de réflexion dans un contexte large qui est celui du "mieux vivre ensemble", D. Sicard (Président du Comité consultatif national d’éthique français)
A la demande des autorités rectorales et médicales, la Commission d’Ethique Biomédicale Hospitalo-Facultaire de l’UCL ( CEBHF ) a réuni un groupe de travail multidisciplinaire hospitalier qui a examiné les divers aspects de cette question prégnante au niveau du terrain et des références éthiques. Ce groupe et la CEBHF ont rédigé ce présent document.
1. RECOMMANDATION GENERALE
La Commission recommande à la communauté hospitalière de promouvoir une politique de soins médicaux, infirmiers et paramédicaux pour les patients en fin de vie qui prenne en compte la globalité de leur situation. Il convient englobe la globalité de la situation de ces patients, de telle sorte que la qualité des soins soit adaptée à leur situation à travers un accompagnement qui tienne compte au maximum de leurs souhaits et de leur parole et évite les dérives qui se situent entre une médicalisation à outrance de leur fin de vie et l'abandon thérapeutique, les contraintes économiques oppressantes ou le déni de la mort elle-même.
2. PROJET THERAPEUTIQUE
La Commission recommande que dès l'admission d'un malade dont la vie est menacée, l'équipe de soins établisse un "projet thérapeutique" tel que prévu aux Cliniques Universitaires Saint-Luc.
L'objectif de ce projet thérapeutique est clairement identifié par la note de service du 01.02.00 de la Direction Médicale des Cliniques Universitaires Saint-Luc : "formellement discuté et rédigé avec l'aide de tous les membres de l'équipe, (il) permet d'avoir une attitude dynamique, évolutive et consensuelle tout en tenant compte de l'avis du patient et de sa famille. Il prévient l'acharnement thérapeutique inutile ou l'abandon progressif du malade en fin de vie".
Ce projet doit inclure les avis utiles de tous les membres de cette équipe pluridisciplinaire - et du médecin généraliste - sous la responsabilité du médecin qui a le patient en charge. De même il doit impérativement impliquer une écoute attentive du patient relative à sa conception personnelle de la fin de sa vie des points de vue médical, moral, spirituel, familial et social.
Il convient de rappeler que sur le plan juridique, il n'est pas justifié légalement que le médecin entame ou poursuive un traitement qui n'a pas une fin thérapeutique (ex: soins médicalement inutiles, futiles ou disproportionnés). Le médecin dispose toujours de sa liberté diagnostique et thérapeutique. A la demande du patient, le médecin peut cependant dans certains cas poursuivre des actes médicaux qu’il le médecin estime inutiles ou futiles . Mais pour des raisons psychologiques ou d’humanité.
Sur le plan déontologique, il convient de se référer au chapitre IX du Code de déontologie médicale sur "la vie finissante".
3. DROITS DU PATIENT
L’importance et la nécessité d’une "information" complète et adéquate du patient et de son adhésion ou "consentement" au projet de soins élaboré par l’équipe de soins prennent une lumière nouvelle au vu de la législation belge récente du 22.08.2002 relative aux droits du patient et aux des recommandations de l’Ordre des médecins en cette matière, en particulier :
- le respect de la diginité de toute personne humaine,
- le respect de ses opinions et de son autonomie,
- le droit à l’information et au consentement libre et éclairé,
- le droit à sa représentation ou son assistance par une personne de confiance,
- le droit au respect de sa vie privée, en particulier à la confidentialité et à l’accès à son dossier médical (à l’exception des notes personnelles du médecin ou des données relatives à des tiers, sauf s'il s'agit d'un praticien professionnel),
- et le au droit d’avoir recours à un médiateur hospitalier.
4. EQUIPE MOBILE DE SOINS PALLIATIFS
Lorsque l’équipe de soins éprouve des difficultés dans l’élaboration de son projet, dans la compréhension de la volonté réelle du patient, dans la formulation d’alternatives thérapeutiques à la situation donnée ou dans la maîtrise d’un des éléments du programme (en particulier le contrôle de la douleur), elle doit pouvoir faire appel aux conseils d’une « équipe mobile de soins palliatifs", tout en poursuivant la prise en charge de ce patient. La loi du 14 juin 2002 sur les soins palliatifs, garantit aux patients le droit de bénéficier de soins palliatifs dans le cadre de l’accompagnement de sa fin de vie (annexe : le document rédigé par l’"équipe mobile intra-muros de soins palliatifs des Cliniques Saint-Luc").
5. RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION D'ETHIQUE BIOMEDICALE HOSPITALO-FACULTAIRE RELATIVES A LA DEMANDE D'EUTHANASIE AUX CLINIQUES DE L'UCL
Définitions
La Commission invite à avoir clairement à l’esprit que la loi ne concerne que les demandes d'euthanasie volontaire :
- De très nombreuses situations ne sont pas envisagées par la loi belge sur l’euthanasie volontaire, que le décès du patient intervienne manifestement à brève échéance ou non :
- la demande d’euthanasie formulée par les patients conscients mais juridiquement incapables (ex. les mineurs, les patients déments, les malades mentaux,…),
- la demande d’euthanasie formulée par un tiers en dehors de la volonté du patient les démarches ou situations médicales,
- la demande d’assistance médicale au suicide,
- Les situations suivantes ne doivent pas être assimilées à une pratique d'euthanasie (au sens de la loi) :
- la limitation des thérapeutiques à visée curative, en ce compris l’interruption d’un traitement disproportionné ou inutile, qui prolongerait la vie du patient, et ce, sur base d’une concertation pluridisciplinaire concrétisée notamment par le "projet thérapeutique" (cfr point 2),
- la mise en route de toute thérapeutique à visée palliative nécessaire pour assurer le confort et la dignité du malade, en ce compris le soulagement de la douleur ou la sédation contrôlée, qui peut entraîner un abrègement de la vie.
Position de la Commission d’Ethique
L’interdit du meurtre reste fondateur dans notre société. Ce n’est que dans des conditions de transgression très restrictives que la loi enlève par exception à cet acte son caractère d’infraction pénale.
Rappelons cependant que la loi n’émet que des normes relatives à la vie en société, lesquelles n’ont pas valeur de norme morale pour l’individu.
La majorité des membres de la Commission partagent le point de vue exprimé par les autorités de l’UCL en 2000 : "… La souffrance inéluctable, qui résiste à tout traitement, doit être identifiée et accompagnée, en faisant confiance au jugement éthique des équipes soignantes responsables, c’est-à-dire sans exclure que devant l’échec de leurs efforts, elles puissent éventuellement consentir à assister médicalement la fin de vie si telle reste la demande du patient".
La Commission partage également le point de vue formulé par les équipes mobiles de soins palliatifs des Cliniques Saint-Luc et de Mont-Godinne.Il est essentiel de rechercher et mettre en place toutes les alternatives de traitements possibles et insister sur leur mise en place.
La Commission a pris longuement le temps d’interroger les traditions chrétiennes, éthiques, juridiques et déontologiques qui inspirent nos pratiques cliniques. En leur âme et conscience, la majorité de ses membres estime qu’en ultime recours, cet interdit peut souffrir une transgression dans des situations extrêmes en fin de vie. Ils insistent sur le caractère exceptionnel de cette démarche et sur l’indispensable respect des mesures d’accompagnement qui seront arrêtées par les responsables institutionnels.
Dans le respect de la pluralité des opinions du patient et du corps médical relatives aux soins en fin de vie et confiante dans le jugement éthique des équipes soignantes responsables, la Commission estime que les médecins hospitaliers et leurs équipes doivent se voir garantir la liberté du choix éthique relatif à l'aide à fournir aux patients en fin de vie. Chaque situation concrète les amènera en conscience, éclairés par les normes institutionnelles, éthiques ou juridiques à adopter l’attitude la plus ajustée possible.
Conditions de recevabilité d’une demande d’euthanasie
Examen de la demande
Quelle que soit la décision prise par le médecin, la Commission insiste sur un accompagnement de qualité et humain du patient et de sa famille par toute l’équipe soignante, dans le respect des convictions de chacun.
Enfin, la commission ajoute quatre considérations:
Déclaration – certificat de décès
La loi dit que, pour autant que les conditions légales concernant l'euthanasie aient été respectées, la personne est "réputée décédée de mort naturelle pour ce qui concerne l'exécution des contrats auxquels elle était partie, en particulier les contrats d'assurance" (art. 15, al. 1).
Ces dispositions ont une incidence non négligeable à l'égard des familles dans le cadre de la succession.
Evaluation
Enseignement
- Une demande d’euthanasie exprimée par un patient ne devrait être examinée que dans le cas d’un suivi continu du patient en fin de vie par le médecin hospitalier qui en a la responsabilité, et de son accompagnement par l’équipe soignante.
Dans cet esprit, la Commission estime que les demandes exprimées en urgence ou le transfert de patients vers l’hôpital aux seules fins de pratiquer l’euthanasie ne sont pas acceptables et ne peuvent être prises en compte. - La Commission attire l'attention du corps médical sur le fait que la loi ne dépénalise que l'euthanasie pratiquée par les seuls médecins, qui ne peuvent déléguer cet acte, en particulier aux infirmiers(-ères).
La Commission recommande aux Cliniques Universitaires de l'UCL de réserver cette possibilité aux seuls médecins du cadre permanent et ce, pour des raisons inspirées par leurs responsabilités.
Le principe de liberté thérapeutique du médecin est réaffirmé par la loi qui souligne qu'aucune demande d'euthanasie n'est contraignante : "aucun médecin n'est tenu de pratiquer une euthanasie et aucune autre personne n'est tenue d'y participer".
De plus, la loi prévoit que le médecin peut ajouter des conditions supplémentaires à celles qu’elle impose préalablement à cet acte.
Les Cliniques veilleront donc au respect du choix éthique des membres du personnel, en particulier les médecins et infirmiers(ères), de participer ou non à une euthanasie.
Lorsque le médecin refuse de donner suite à une requête d'euthanasie, il doit, précise la loi, en informer le patient le plus tôt possible ou la personne de confiance éventuelle et transmettre à la demande du patient ou de la personne de confiance le dossier médical du patient au médecin désigné par celui-ci. Dans le cas où son refus est justifié par une raison médicale, celle-ci- est consignée dans le dossier médical du patient. - Une demande d’"euthanasie" doit toujours être entendue et décodée : ni ignorée, ni mal interprétée. Seule une écoute collégiale permet, avec du temps et de l’expérience, d’entendre exactement ce que le patient veut dire, par exemple une demande de limitation des thérapeutiques curatives ou le soulagement de la douleur.
Pour soutenir l’équipe soignante concernée, les Cliniques de l’UCL mettent à sa disposition une "équipe mobile de soins palliatifs", telle que prévue par la loi belge sur les soins palliatifs.
Celle-ci, appelée parfois aussi « équipe de soins continus » n’a pas pour rôle de gérer les demandes d’euthanasie et certainement pas d'y répondre seule ou elle-même, mais elle devrait permettre au contraire dans la plupart des cas, par son expérience, de suggérer des alternatives à celles-ci.
Les Cliniques de l’UCL veilleront à définir avec les médecins généralistes le rapport de collaboration entre eux pour les malades en fin de vie. Insistons sur le travail d’anticipation et sur la collaboration entre toutes les équipes soignantes de l’hôpital et du domicile. - Lors de l’examen de la demande, il est essentiel que le médecin vérifie si le patient est bien dans les conditions restrictives émises par la loi à l'article 3, §1, à savoir notamment que :
- "le patient est majeur ou mineur émancipé, capable et conscient au moment de sa demande" (ou les conditions particulières en cas de "déclaration anticipée" - voir l’article 4),
- "la demande est formulée de manière volontaire, réfléchie et répétée, et qu'elle ne résulte pas d’une pression extérieure",
- "le patient se trouve dans une situation médicale sans issue et fait état d’une souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable".
- Le médecin se doit de "respecter les conditions et procédures prescrites par la loi", en particulier la consultation d’un deuxième médecin indépendant. Le médecin peut ajouter des "conditions complémentaires qu’il désirerait mettre à son intervention" (article 3, §2). Ainsi, par exemple, le médecin peut limiter son intervention à la demande d’un patient en phase terminale, c’est-à-dire dont le décès peut intervenir manifestement à brève échéance.
- La Commission estime que, dans l’examen de la demande du patient, le médecin et l’équipe soignante doivent attacher une grande attention aux droits du patient, en particulier à son information dans un langage clair des possibilités thérapeutiques encore envisageables ainsi que des possibilités qu’offrent les soins palliatifs et leurs conséquences. Le médecin s’assurera que le consentement libre et éclairé du patient, eu égard au respect de son autonomie, est bien volontaire, en absence de pressions extérieures.
Quelle que soit la décision prise par le médecin, un accompagnement de qualité, assuré par toute l’équipe soignante est essentiel, dans le respect des convictions de chacun. Celui-ci devrait comporter une large information sur les attitudes et les personnes ressources pouvant accompagner les patients, aussi bien que les familles et les soignants dans ces moments de fin de vie. La Commission encourage les équipes qui élaborent collégialement une véritable expertise en cette matière, sans précipitation ni improvisation. - La Commission estime que lors d’une demande d’euthanasie volontaire, le recours à une "cellule d’aide à la décision" (CADE) spécifique doit être systématique.
Cette cellule est mise à la disposition des médecins et des équipes soignantes par la Commission d’Ethique Biomédicale et sa composition pluridisciplinaire variera en fonction de la pathologie et de la nature de la demande du patient. Elle inclura, outre des spécialistes et si possible le médecin généraliste du patient, un éthicien, un juriste, et éventuellement un interlocuteur appartenant au personnel et mandaté à cet effet par le patient (ex : un(e) infirmier(ère), un(e) psychologue, un accompagnant spirituel, …).
Le rôle de cette cellule est d’apporter à l’équipe demanderesse les éléments de réflexion nécessaires à la prise de décision par le médecin qui a le patient en charge. La CADE donne un avis et ne décide pas. - Pour les demandes d’euthanasie volontaire qui concernent un patient dont le décès n’interviendra manifestement pas à brève échéance, le questionnement éthique est plus difficile encore. Le recours à cette cellule d’aide à la décision (CADE) est a-fortiori indispensable. Aux conditions supplémentaires prévues par la loi dans ce cas (article 3, § 3 de la loi), notamment la consultation d’un médecin indépendant supplémentaire et le délai plus long requis, nous proposons d’élargir la CADE aux professionnels de la santé qui ont connu le patient, et en particulier au médecin généraliste dans tous les cas.
Compte tenu de la gravité de ces situations et de l’erreur possible de l’évaluation, la cellule d’aide pourra dans ces cas exceptionnels proposer au médecin d'ajouter des conditions complémentaires qui feront l'objet d'une discussion avec tous les membres de l'équipe soignante (par exemple une dernière modification thérapeutique). - Il lui semble légitime que l’institution prévoie un mécanisme d’évaluation et de contrôle des conditions dans lesquelles les options ont été prises à la suite d’une demande d’euthanasie confirmée par le patient. Ce mécanisme doit être respectueux à la fois de la volonté des patients, des choix éthiques des médecins, de la confidentialité et des responsabilités des médecins, de l’institution et de son équipe dirigeante. Il doit permettre d’éviter la banalisation de cette pratique et de promouvoir de nouvelles valeurs dans la pratique hospitalière, en particulier auprès des plus vulnérables.
- La Commission attire l’attention de l’équipe de direction sur la possibilité d’avoir à gérer dans l’avenir des conflits éthiques au sein d’équipes médicales et soignantes. Ces conflits pourraient survenir entre des médecins occupant des situations hiérarchiques différentes au sein d’un même service. Une instance habilitée à accompagner ces situations devrait être désignée.
- La Commission recommande à la Faculté de Médecine de veiller avec un soin particulier à l’enseignement de l’accompagnement des patients en fin de vie sous ses différentes dimensions, tant dans les cours théoriques et cliniques de et pratiques en médecine que dans les écoles supérieures de l’enseignement infirmier et des professions paramédicales.
Bruxelles, ce 18 avril 2003